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Polémiques

POLÉMIQUES & TOLÉRANCE

En ces temps-là, il existait deux hebdomadaires à Granville. La presse était plus libre qu’aujourd’hui, mais la polémique était des mots, et non des actes. Le Granvillais était républicain (on pourrait le situer aujourd’hui à gauche), et Le Journal de Granville était plus orienté démocratie chrétienne (l’orientation actuelle serait la droite).

L’article ci-dessous a été publié par l’hebdomadaire « Le GRANVILLAIS ».

Nous avions annoncé, dans notre dernier N°, qu’à l’occasion du naufrage du « Georges et Jeanne » un service serait célébré à l’église Notre-Dame et que M. Germain (Abel) officierait. C’était une belle occasion pour un Evêque et pour notre clergé de solliciter, par une quête, la bienfaisance des assistants qui s’étaient rendus en très grand nombre à la cérémonie et qui s’attendaient à cela.
A quoi attribuer cette hésitation à compléter une bonne oeuvre qui eût été très productive ? Des personnes bien intentionnées ont été très surprises de ce manque d’à propos !
Cela nous amène à penser que MM. du clergé aiment beaucoup à quêter pour leur propre compte, mais lorsqu’il s’agit de bienfaisance par un canal qui leur est étranger, ils s’abstiennent ! Cela est fâcheux pour eux et pour les malheureux, et nous le regrettons doublement.

Cet article est paru dans « Le Journal de GRANVILLE » en Juin 1885, en réponse.

Bienfaisance laïque

On nous rapporte que certains de nos radicaux opportunistes auraient exprimé le regret qu’une quête n’ait point eu lieu à l’occasion du service funèbre célébré à Notre-Dame par Monseigneur, et iraient jusqu’à dire, à ce propos, que les cléricaux n’aiment à quêter qu’à leur profit, et s’abstiennent quand d’autres recourent à la bienfaisance publique.
Sans connaître les motifs auxquels a obéi M. le curé-doyen, en ne faisant pas quêter, il est certain qu’un sentiment de délicatesse a dû le guider, et vraisemblablement c’est cette pensée que de nombreuses familles en larmes devant assister à la funèbre cérémonie, il serait pénible pour elles qu’on sollicitât la bienfaisance en leur présence et à leur profit.
Ces républicains impudents s’imaginent-ils donc que l’on n’a pas lu la liste de souscription, publiée par le Journal de Granville, retenu les noms et le chiffre de chaque offrande.
Qui a-t-on trouvé parmi les premiers souscripteurs ?
Mgr Germain pour 200 fr., M. le curé-doyen pour 50 fr. et ses deux vicaires pour 40 fr.
Puis, M. le curé de St-Paul donnant 40 fr. et ses vicaires 30 fr.
Et l’on oserait dire que le clergé s’abstient !
Ceux qui s’abstiennent, ce sont les conseillers municipaux républicains ! Ils devraient être en tête de liste et l’on peut la parcourir toute entière, sans en rencontrer plus de deux qui ont souscrit pour 5 fr. chacun. Un autre souscripteur de 20 fr. a dissumulé sous l’anonyme, paraît-il, un conseiller connu par son bon cœur et sa charité. Il a eu d’autant plus tort de ne pas inscrire son nom et sa qualité que son exemple était plus utile.
Et voilà comment se sont montrés nos représentants locaux, dans une circonstance si douloureuse pour notre ville ! et ce sont les amis de tant de gens si peu généreux qui se permettent de parler de générosité et de bienfaisance. Allons donc !
Un souvenir et une crainte nous viennent. Est-ce que le conseil municipal ne caresserait pas l’idée de voter un secours à même les fonds de la ville ? Il l’a fait une fois déjà, à l’occasion de la perte de deux petits bateaux, et grâce à ce moyen facile et peu coûteux, MM. les conseillers se dispensèrent presque tous de prendre part à la souscription ouverte dans les bureaux des courtiers maritimes.
Le résultat, en pareil cas, on l’aperçoit : ceux qui souscrivent paient deux fois. Ah ! mais ‘ que le conseil y prenne garde ! outre qu’il n’a pas le droit d’agir ainsi, il faut bien qu’il se convainque que les contribuables ne souffriraient peut-être pas longtemps qu’on pût dire de ceux qu’ils ont choisis pour leurs mandataires :  » Pour eux, la générosité c’est… l’argent des autres ! « 

Un Granvillais